Vélorution culturelle.

Nicolas Dorbon et la compagnie Organic Orchestra requestionnent l’écosystème autour du spectacle vivant et de la communication. Imaginée avant la crise, ONIRI 2070 est une création sonore et visuelle, itinérante et autonome en énergie. Les contraintes sanitaires ont fait exploser les sollicitations. Retour vers le futur.

Le petit Nicolas ?

Je suis né en 1981 à Thonon-les-Bains, en Savoie. J’ai suivi des études littéraires puis une école de traduction en anglais et allemand. Attiré très jeune par le secteur de la musique et du spectacle vivant pour lequel j’ai été bénévole puis stagiaire, je me suis éloigné de ce cursus pour m’orienter vers un Master « Management et communication des entreprises culturelles » que j’ai obtenu à l’IUP Denis Diderot. Quand j’ai commencé ma formation, le terme « Management » m’apparaissait un peu comme un gros mot. On nous a fait comprendre assez rapidement qu’une entreprise culturelle était une entreprise comme une autre, avec des spécificités de financements et de nature d’activités. L’aspect économique demeure le même, industriel ou culturel. La différence est que l’humain prime au-delà de toute autre considération. J’ai travaillé pendant une dizaine d’années chez Zutique Productions à Dijon, en tant que chargé de programmation et de production. En 2006, j’ai rencontré Ezra, beatboxer angevin, qui venait d’organiser le 1er championnat de France. Alors qu’Internet était balbutiant, nous souhaitions mettre en réseau les acteurs de cette pratique pour en développer la création artistique. En 2007, j’ai créé le Human Beatbox Festival, événement unique en Europe entièrement dédié à la création autour de la voix et du corps. Je suis arrivé à Nantes en 2015 pour intégrer Pick Up Production qui organise entre autres le festival Hip Opsession, structure avec laquelle j’avais déjà co-organisé le championnat de France de Beatbox. En 2017, je me suis lancé en indépendant en management, en production, en booking et en régie. Après 13 années en tant que permanent pour des associations, j’ai eu envie de diversifier et développer mes propres activités.

La compagnie ?

La compagnie Organic Orchestra, c’est un projet innovant qui produit des créations à la fois contemporaines et populaires, transdisciplinaires, immersives et collaboratives. Notre créneau est l’expérimentation et le travail en équipe. Beaucoup de personnes différentes interviennent dans des champs très variés. Il y a à la fois des développeurs, des graphistes, des techniciens, des musiciens, des ingénieurs, … qui travaillent dans l’objectif commun de présenter des expériences artistiques qui vont au-delà du spectacle. L’équipe s’est formée à travers les différents projets. Nous collaborons très régulièrement avec un noyau dur et d’autres compétences plus ponctuelles en fonction des besoins spécifiques. Ayant créé́ un puissant laboratoire de créativité́ et un réseau d’intervenants, nous expérimentons des formes nouvelles dans des champs aussi divers que le spectacle vivant, les installations interactives, la transmission pédagogique ou la recherche collaborative au travers de résidences et de workshops.

L’archipel ?

Notre dernière création ONIRI 2070 est un spectacle poétique, sonore et visuel, itinérant et autonome en énergie. Cette création a démarré il y a deux ans, à l’occasion d’une tournée sur les iles du Ponant. Nous sommes partis de Brest pour arriver jusqu’à Nantes. Notre tournée en voilier a lancé l’aventure. ONIRI 2070, c’est un archipel qui va voir le jour dans 50 ans. Juliette Guignard, documentariste et chanteuse, a proposé à ses interlocuteurs de se projeter à la place des habitants de cette future cité. A partir de cette récolte de témoignages, Juliette a fait un découpage de différentes paroles pour les intégrer dans ce spectacle. Ezra à la musique et Alexandre Machefel à la vidéo compilent en temps réel ces paroles d’habitants. Le spectacle consomme exactement 660 wattheures pour sa réalisation. Nous sommes partis du constat d’Ezra qui dans sa carrière professionnelle a par exemple été invité au Japon pour y passer à peine 48 heures, ou encore faire un Tourbus avec Camille avec des trajets géographiquement incohérents, un jour à Marseille, le lendemain à Berlin et le surlendemain à Brest. Ce mode de tournée l’a fait réfléchir sur la manière de passer du temps sur les territoires et comment les découvrir. Opter pour un projet très peu énergivore a amené le récit d’ONIRI 2070 : comment nos pratiques actuelles peuvent continuer d’exister avec des besoins qu’il faut réduire drastiquement ? Comment la musique électronique amplifiée avec des procédés analogiques avancés devient est-elle compatible avec la sobriété énergétique ? Le voilier demeure trop aléatoire, lent et cher pour une tournée. Nous avons donc décidé de partir avec 4 vélos et 4 remorques. Le matériel technique est alimenté par les batteries de l’assistance électrique des vélos. Imaginé pour des jauges de 120 personnes avant la crise sanitaire, ce projet intime a été compatible avec les contraintes qui en ont découlé. Aucune date n’a été annulée, certaines se sont même ajoutées. Cette création de territoire a beaucoup parlé aux structures organisatrices et a rencontré un vif succès.  Nous espérons donner des idées à d’autres pour que vive le spectacle vivant, hors les murs.

Article écrit par Bouger en Mayenne

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